Le MANS 1978

La 46ème édition Mancelle des 24 heures se courait les 10 et 11 juin. Cette course restera comme l'une des plus belle dans le coeur des passionnés.
Didier, qui fait maintenant partit du club très fermé des pilotes de Formule 1, se voit confier cette année, le volant d'une des A442 officielle afin de battre Porsche....

Près de 20.000 kilomètres d'essais d'endurance furent effectués en OHIO (USA) et au Paul RICARD , pour gommer les défaillances irréversible du moteur RENAULT V6 turbo CHS. La base militaire d'Istres , avec 5 kilomètres de piste d'atterrissage, sera le terrain de jeu idéal pour les essais de vitesse avec la « bulle ». Les tests du fameux saute-vent et des jupes souples de bas de caisse précipitera la mue de l'A442 en A442B...

Jean Pierre JAUSSAUD vous offre deux anecdotes relatives à ces expérimentations :

".....Essais de grande vitesse avec la bulle sur l'aéroport d'Istres: Ragnotti, à 380 Kmh par radio: mayday, mayday, je tire sur le manche, je ne peux pas décoller!!!!
Quant à moi, un aller à 380, retour vers 360, la roue avant gauche s'arrache avec toute la suspension..... j'ai mis 800 mètres pour m'arrêter, voiture parfaitement stable!!!! heureusement en ligne droite."

"A noter deux incidents lors des essais qualificatifs.

Une des Porsche 936, la n°5, se retrouve posée du côté arrière droit, dans une impressionnante gerbe d'étincelles. Une fois revenu au stand Jacky ICKX expliquera : "Peu avant la chicane FORD, je me suis fais doubler par ma roue arrière."

L'A442 CALBERSON (n°4), est victime d'un caillou qui perce son radiateur. Guy FREQUELIN au volant prend 115° en température. Heureusement sans conséquence, ainsi José DOLHEM pourra effectuer quelques tours pour se qualifier avec cette voiture. Gérard LAROUSSE, lui ayant demandé au pied levé d'être suppléant. Guy FREQUELIN souffrant d'une entorse au genou, Patrick DEPAILLER, handicapé par son poignet et Patrick TAMBAY, forfait suite à une brûlure à la jambe provoquée par un extincteur. José hésite car engagé moralement avec Daniel URCUN.Mais, la TOJ SC 303, moteur cassé, libère Guy CHASSEUIL qui peut ainsi remplacer DOLHEM sur la Porsche 934 n°61."

Pour ce troisième duel qui oppose PORSCHE tenant du titre à RENAULT ALPINE , prés de 200.000 spectateurs ont fait le déplacement.

Le départ sera donné par Raymond POULIDOR.

Entre la liste des selectionnés et la grille de depart définitive , c'est la valse des pilotes chez RENAULT ALPINE !!!

A 15H53 , les 55 concurents , précédés de la PORSCHE 928 grise du directeur de course Charles Georges DEUTSCH , s'élance pour le traditionnel tour de chauffe.
Jacky ICKX sur la PORSCHE 936/78 n°5 ¨part en pole. Sur la même ligne , " le grand " ( Jean Pierre JABOUILLE ) à 8 centièmes , a signé la deuxième place en 3'28''4 sur l'A443 n°1. Sur la seconde ligne , les PORSCHE 935/78 n°43 ( surnommée MOBY DICK ) et la 936/78 n°6

La troisiéme ligne se compose de l'A442B n°2 et de la PORSCHE 936/78 n°7. Les RENAULT ALPINE A442A n°3 et n°4 forment la quatriéme ligne.
A 16H00 , les bolides s'élancent dans un vacarme assourdissant. La n°1 se place d'ors et déja en tête et enfonce le clou en distançant Jacky ICKX de 11"6 dès le premier tour...

Mais , au troisième passage (il est 16H08) les 936 n°5 et n°7 créés la surprise en s'arrêtant inopinément à leurs stands. En effet, les PORSCHE sont victimes d'un accélerateur qui reste bloqué à haut régime. Aprés une intervention sur le réglage du cable , les deux voitures repartent. Contre toute attente, au tour suivant, la n°5 rentre à nouveau pour le même problème... Cette fois, le diagnostique est une surpression d'essence due à la chaleur. Malgré un arrêt très rapide, elle compte déjà plus d'un tour de retard.

Soit pour étre précis, 5'22", alors que la 7 s'arrête à nouveau pour, cette fois, un resserage d'une durite de turbo et du remplacement de son joint.
Trois RENAULT ALPINE sont en tête quand à 16H52 JABOUILLE entame la ronde des ravitaillements pour les jaunes et noirs. Il céde sa place à DEPAILLER qui étreine des pneus arriéres neufs. A 17H08, c'est Jean-Pierre JARIER qui ravitaille et repart pour un deuxieme relai , PIRONI s'arrète 3 minutes plus tard et conserve lui aussi le volant. La "CALBERSON" de Jean RAGNOTTI fait "le plein" à 17H13.
La menace de PORSCHE étant éloignée, chacun chez RENAULT SPORT trouve son rythme.
Après 3 heures de course, la n°2 de PIRONI-JAUSSAUD est en tete avec un bon tour d'avance sur la paire JARIER-BELL. En troisieme position pointe la PORSCHE n°6.
Après 6 heures de course , la n°2 est toujours en tête et seulement 6 minutes d'arrêt au stand... La n°3 est encore deuxième alors que la n°1 est troisième.

Pendant ce temps là, la porsche 936 n°5 (ICKX - PESCAROLO - MASS) est restée immobilisée 45 minutes au stand pour le remplacement de son pignon de 5ème. Tandis que, sa soeur jumelle, la n°7, c'est elle contentée de 13 minutes pour le changement de son turbo cassé. Etant reparties respectivement 19ème et 7ème, la stratégie de PORSCHE se recentre sur sa 936 n°6 alors en 4ème place. Il semble écrit qu'une nouvelle fois ICKX et PESCAROLO (les pilotes les plus titrés au Mans) ne finiront pas (la course !) ensemble....A 22H41, l'histoire se répète pour Jacky. Comme l'année précédente, il change de monture. ICKX prend ainsi les rênes de la n°6, évince BARTH au rythme plus lent.

Chez Renault Sport, la nouvelle du transfert est acceuillie sans surprise. Les tableaux de marche de la 2 et la 3, parfaitement respectés, ne sont pas modifiés . La n°1 qui n'a cessé d'attaquer, reprend peu avant 23H00 sa place de leader. Et ce, malgré les 15 minutes des différents arrêts au stand dont 5 pour le remplacement d'un étrier de frein à l'avant gauche.

A 23H48, "papy" JAUSSAUD passe le relais à Didier qui repart 7 minutes plus tard, dut au remplacement de l'étrier de frein...avant droit ! A la faveur de cet arrête, la porsche n°6 se trouve 2ème à un tour. Pour PORSCHE, tous les espoirs sont permis....D'autant plus qu'à 2h31, la n°3 de JARIER et BELL (qui est au volant) s'immobilise à la sortie du tertre rouge au poste 25. A 2H58, c'est l'abandon officiel : couple conique cassé.

Après 12 heures de course, la Renault n°1 a parcourue 187 fois les 13,640 km du circuit. Deuxième à 1 tour, la Porsche 936 n°6 devance la Renault n°2, à 3 tours du "lièvre". Quatrième à 4 tours, la "CALBERSON" n°4 des Rallyman RAGNOTTI/FREQUELIN et DOLHEM. Pointe ensuite à 9 tours, la Porsche n°7 de HAYWOOD/GREGG/JOEST. Vient ensuite la 935 MOBYDICK n°43 à 12 tours, pénalisée par sa gargantuesque consommation, de 80 litres au 100 cent kilomètres, qui l'oblige à de très (très) nombreux ravitaillements !!! (tous les 10 tours, les réservoirs étant limités à 120 litres).

A l'aube, dans la voiture de tête, Patrick DEPAILLER, se dégourdit les jambes en établissant le record du tout en 3'34"8. La 936 n°6 est toujours à deux tours, bien que connaissant des problèmes de jantes. Leurs usures anormales sur le moyeux provoques desserrages et vibrations obligeant leurs remplacement réguliers.

A 6H45, le "grand" sonne le réveil !!! Quatre minutes auparavant, Patrick lui a cédé le volant avec le record du circuit en poche. Mais, les records sont fait pour être battus et celui ci aura tenu exactement 75 minutes. Jean-Pierre JABOUILLE vient de signer au 226, un magistral 3'34"2 à 229,244 km/h de moyenne, le nouveau record officiel. Une heure plus tard, la n°4, pilotée par José DOLHEM rentre au stand car la troisième ne passe plus. Les problèmes de boite décalée pendant la nuit ont provoqués une usure sur ce pignon. Son remplacement prendra 31 minutes. Jean RAGNOTTI à son volant repart en 7ème position.

Chez PORSCHE, c'est Jacky ICKX qui à 8H49, laisse sa voiture aux mains de ses mécaniciens pour des problèmes similaires. A 9H30, il s'élance à nouveau avec un pignon de 5ème neuf. A 9H37, lorsque Jean-Pierre JAUSSAUD laisse le baquet à Didier PIRONI, leur A442B est seconde derrière l'A443 n°1.

Mais, cette même A443, avec Patrick DEPAILLER à son volant, vient de semer le désarroi dans le camps des jaunes et noirs !

La n°1 est arrêtée, moteur cassé, au poste 76 (MULSANNE, le mythique virage qui fait suite à la longue ligne droite des Hunaudières). A 9H53, Patrick très marqué abandonne l'épave, avec sous le bras son baquet dans lequel il a placé son casque.......Six minutes plus tard, chez PORSCHE, c'est presque comme une réponse au malheur de Renault Alpine. L'ex voiture de Jacky ICKX, la 936 n°5 conduite par Jochen MASS s'abîme dans le rail au poste 121 alors qu'elle était 7ème.

A la 19ème heure de course, les positions sont l'A442B N°2 en tête avec 7 tours d'avance, seconde la 936 n°5 alors menée par GREGG, 3ième, la 936 N°6 de ICKX, la 4ième étant l'A442 "CALBERSON" à 10 tours, piloté par ... JABOUILLE qui s'offre un "extra" après l'abandon de sa propre monture! Rapidement, la N°6 prendra l'ascendant sur la N°5. Se faisant la Prosche rattrape son retard sur la Renault Alpine N°2 qui aura comptée jusqu'à 7 tours en sa faveur. A 13H, les positions sont toujours figées mais la Porsche a "grignoté" deux tours. A 13h20, Jean-Pierre JAUSSAUD laisse le volant à Didier en lui faisant part de problèmes d'embrayage et de cinquième. Le pilote part pour ce qui doit être son dernier relais...

Lorsqu'il revient après 80 minutes de pilotage, Didier est extenué par les contraintes que lui demande la voiture. Didier, tout en se déshaltérant, se concerte avec Jean-Pierre. Ils décident que Didier doublera son relais car maintenant, car habitué aux difficultés de l'auto. Après la vérification de la garde et de la course de l'embrayage, l'A442B repart à 14h45. Une heure et quart plus tard, elle franchit la ligne en vainqueur. Les Porsches 936 N°6 et 7 finissent 2ièmes et 3ième devant l'A442 de Guy FREQUELIN 4ième.

Epuisé et deshydraté, Didier Pironi s'évanouiera avant de rejoindre le podium où l'attend Jean-Pierre JAUSSAUD. Celui-ci ne pourra réprimer ses larmes lorsque retentira la Marseillaise !!!

Mes sources pour cet article ont été :

  • Auto Hebdo N°117 et 118
  • 24 heures du Mans 1978 aux éditions PUBLI-INTER
  • 27 et 28 de BERLINETTE MAG (Vous pouvez commander ces numéros (et d'autres aussi) sur leur site www.berlinettemag.com)